Lundi, des hartals, mardi, des hartals, mercredi, ...

Publié le par amra-sekhane

Bonjour à tous,

 

Devant la continuité des "événements" au Bangladesh, nous nous sommes dis qu'il peut être intéressant d'expliquer un tout petit peu ce qu'il se passe.

 

Premièrement, vu que je ne pense pas que les nouvelles du Bangladesh fassent la une de TF1 et France 2,  voici une petite vidéo du Monde.fr, montrant les manifestations et affrontement entre sympathisant du parti islamiste Jamaat et la polic.


Le Bangladesh traverse en ce moment une série d'événements: hartals (grève nationale imposée par un parti politique), manifestations plus ou moins violentes...


Deux raisons à cela:

- lorsque tout a commencé, en novembre, le principal parti d'opposition (BNP, Bangladesh National Party) était à l'origine des troubles. Très peu pratique pour Manu, le bureau des scouts étant en face de leur siège, cela a limité les déplacements...
Le BNP proteste contre un changement de constitution. Jusqu'à présent, entre chaque gouvernement, un gouvernement neutre (appelé Caretaker Government) composé des instances juridiques et soutenus par l'armée était mis en place afin d'organiser des élections impartiales (au Bangladesh, il est très facile de tricher, surtout si on est au pouvoir et qu'on organise les élections.). Le gouvernement actuel a décidé que le Bangladesh a atteint un niveau de maturité suffisant dans sa démocratie pour se passer de ce système, et l'a donc enlevé, se réservant le droit d'organiser les élections... Ce qui fait un peu grincer des dents dans l'opposition, qui fait (sûrement à juste titre) très peu confiance dans la capacité du gouvernement d'être impartial.
Cela a donc lancé une série de hartals, manifestations, arrestations de leaders politiques de l'opposition (pour troubles à l'ordre publics et à causes de morts lors des hartals, mais avouons que ça arrange pas mal le gouvernement).

 

Actuellement, la cause des troubles est différentes. En 1971, le Bangladesh se bat pour son indépendance. On en parle assez peu, mais le résultat est tout de même environ 3 millions de morts, l'instrumentalisation du viol en arme de guerre et autre réjouissances. Le parti islamiste Jamaat e Islami, opposé à l'indépendance, participe activement aux festivités.
40 ans plus tard, l'Awami League (actuellement au pouvoir) gagne les élections en promettant de juger les criminels de guerre (entre autre). Arrestations des responsables du Jamaat, et tribunal. Le verdict va de l'emprisonnement à vie pour le premier, condamnation à mort par contumace pour le second, et condamnation à mort pour le troisième. Encore six personnes sont à juger, si mes calculs sont bons.


Le Jamaat lance alors des manifestations, souvent d'une grande violence, demandant la libération de ses leaders, protestant contre un "complot" anti démocratique.


De l'autre côté, un grand nombre de Bangladeshis se sentent lésés dans l'exercice de la justice. La peine de mort (par pendaison) est en place au Bangladesh, et nombre de gens demandent la peine capitale pour tout les criminels de guerre.


Nous sommes dans dans un chassé croisé de manifestations: "pendez les", "libérez les", "pendez les", "si vous les pendez nous allons plonger le pays dans la guerre civile", "si vous continuez, nous allons bannir le Jamaat e Islami", ...

 

Depuis deux semaines, des étudiants sont rassemblés sur une place à Savar (plusieurs milliers) afin de demander l'execution des criminels. Il est intéressant de noter qu'ils ne pourraient tenir sans le soutien du pouvoir, qui les nourrit et leur donne à boire. Gouvernement qui ne condamne pas à mort, mais soutient le peuple qui demande la peine capitale. Affaire à suivre.

 

Cela à pas mal de conséquences, notamment sur le plan économique. Depuis Janvier, nous avons au minimum un hartal par semaine (et à l'heure de la publication, nous sommes en plein milieu d'un hartal de 3 jours). Cela veut dire que le textile ne peut pas livrer, que les entreprises ne peuvent pas travailler, que les produits périssables périment, que les travailleurs journaliers ont un jour de salaire en moins...
Cela veut dire en général un mort ou plus par manifestations, des bus brûlés, des voitures caillassées... (19 morts hier, le 03 mars. Tous en dehors de Dhaka).

 

Le Jamaat e Islami représente environ 5 à 10% de la population (10% étant le maximum obtenu aux élections, et ce de manière exceptionnelle). Une minorité, mais qui bloque quand même le pays.


La plupart des ambassadeurs interrogés par les média sur la question de la condamnation à mort, ou non, des criminels ont dit qu'il ne leur appartenait de s'immiscer dans l'histoire du peuple bangladeshis.

 

D'un point de vue strictement personnel, cela limite nos déplacements à la zone dite "enclave diplomatique", le quartier des ambassades et des expatriés. L'ambassade de France n'est pas tout à fait réactive pour nous prévenir des événements et nous comptons sur nos amis travaillant en ONG et collègues pour savoir ce qu'il se passe et quand ne pas aller au bureau.


Voilà, en très résumé, et avec notre compréhension assez limité et forcément biaisé par notre situation, une explication des événements. Si vous voulez vous faire une véritable idée de la situation, je vous invite à creuser le sujet plus en détail, notre interprétation de ce qui se passe n'est pas forcément la bonne!

 

L'équipe d'Amra-Sekhane

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